• Mercredi Maître Ruban 7 : narration et canon

     Chaque narrateur aura une façon de voir le monde différente, reflétée par sa façon de le dessiner. Il y aura donc, en plus de la narration classique, des choses à déduire des choix de narration du narrateur en les confrontant aux décisions des autres dessinateurs, tant sur sa psyché, son avis sur les autres personnages et la situation, que sur le canon réel de l'univers, qui du coup ne pourra être approché qu'à coup de comparaisons entre les différentes descriptions qu'en auront fait les narrateurs successifs.
     Dans Tintin par exemple les personnages portent presque toujours les mêmes tenues, mais il n'est jamais avéré que c'est un choix canon de leur part : il semblerait plutôt que ça soit une convention de dessin, pour rendre l'histoire plus facile à suivre et rapide à lire. Ce choix anodin dans Tintin peut être très révélateur dans Maître Ruban, où l'auteur est aussi un personnage : un narrateur fan de mode pourra par exemple varier les tenues de ses camarades de classes, soit parce qu'il fait systématiquement attention à ce qu'ils portent et cherche à le retranscrire, soit au contraire pour exprimer son goût personnel ; un autre mettra toujours des vêtements aisément identifiables à ses personnages, sauf à un de ses camarades dont la tenue changera tous les jours : remarquerait il, noterait il les choix vestimentaires de son compagnon ? Et en comparant ces différents choix on peut commencer à découvrir des trucs sur les personnages qu'ils sont sensés représentés : si Soledad par exemple est toujours représentée en robe, c'est sans doute pas une coïncidence des décisions des dessinateurs, mais une véritable habitude qu'elle a. 

     J'aime beaucoup ce principe de narration mais le problème c'est que c'est pas facile de trouver des trucs intéressants à raconter comme ça... Voici par exemple l'idée la plus extrême que j'ai pu trouver : le premier Maître Ruban monte avec Soledad un escalier à 18 marches dans l'arc 1, plus tard dans le second arc on revoit cette scène du point de vue de Soledad : l'escalier a cette fois 12 marches ! C'est parce qu'ils ne montent pas l'escalier de la même façon, et comme ils ne conscientisent que les marches qu'ils empruntent, ils ne le dessinent pas pareil ! De là on peut déduire le nombre réel de marches de l'escalier, en calculant le PPCM (plus petit commun multiple) de 12 et 18 : 36. L'escalier pourrait donc avoir 36 marches ; Soledad en le montant trois à trois n'en aurait compté que 12, et le premier Maitre Ruban en le montant deux à deux en aurait compté 18 (notez qu'il pourrait aussi avoir 42 ou même 108 marches, mais ça impliquerait que Soledad monte les marches par 6 ou par 9). Je trouve ça cool mais je ne vois malheureusement pas trop de scénario où essayer pour le lecteur de retrouver le nombre canon de marches de cet escalier pourrait être intéressant.
     Là où cette narration comparée peut raconter des trucs chouettes serait sûrement dans des détails plus légers et constants ; un narrateur perfectionniste et névrosé dessine les tables mal alignées et les ampoules cassées ; un dessinateur libidineux et objectifiant accentue les proportions des filles, les gros seins deviennent plus gros, les petits plus petits ; une Maître amoureuse et peu sûre d'elle même centrera son intrigue sur son crush plutôt que de se mettre en avant ; un anorexique se dessinera gros, laid et lourd.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 28 Mars 2021 à 11:18

    Trop cool, hâte de voir ça en application ! Le pb aussi c'est que c'est compliqué (voir impossible) de connaître la vérité du coup ! Pour les marches d'escalier ça pourrait être tout autre nombre de marche si l'un n'a pas monté toutes les marches 3 par 3 ou 2 par 2 ! Perso je suis plutôt team 2 par 2, mais ça m'arrive souvent d'en monter qu'une de temps en temps pendant mon ascension

    Stylé en tout cas, vivement le premier chapitre dessiné

      • Lundi 29 Mars 2021 à 00:31

        ah ouais c'est vrai que moi je partais du principe qu'ils ne changeaient pas de rythme en cours de route, vu que perso je déteste le faire !

         

      • Lundi 29 Mars 2021 à 13:36

        encore une affaire classée sans suite

    2
    Dimanche 28 Mars 2021 à 12:34

    Il a l'air ouf ce manga, j'ai hâte de lire l'arc raconté du point de vue d'un homme des caverne dessiné en style grotte de Lascaux, dans lequel tout les personnage sont des mammouths ou des buffles sauvages 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :