• proposition de jour pas férié

     J'aime pas trop ma mémoire, principalement parce qu'elle est très évènementielle ; je me souviens d'un truc précis, du lieu exact où il a eu lieu, de l'odeur qui s'en dégageait, mais assez mal du contexte et surtout pas de mon quotidien d'alors, qui me semblent pourtant plus révélateurs de ma vie et de moi même. Je cherchais un moyen d'y remédier quand je me suis rappelé avoir entendu dire que beaucoup d'adultes américains se souviennent très précisément de ce qu'ils faisaient le 11 septembre 2001, et particulièrement du moment exact où ils ont entendu la nouvelle des attentats. C'est à dire qu'ils se souviennent d'un moment de leur vie pourtant pas par eux même conçu pour faire date ; ils n'y ont pas pris de décisions, de résolution ou de drogue, n'y ont pas eu de sursaut, d'enfant ou de révélation ; ils courraient au bureau, en retard à cause d'un réveil défectueux ; ils achetais une pâtisserie pour surprendre une amie ; ils trainassaient au lit, regardant la télé en attendant que la journée passe et s'en aille. Mais le souvenir est resté. 
     Je me fous un peu du 11 septembre, mais je trouve très belle cette cristallisation d'un quotidien, ce moment inutile à jamais conservé. J'aimerais bien recréer quelque chose de similaire, à mon échelle et sans faire péter d'immeubles.
     Je propose donc une journée banale et pas fériée, où on vit comme on en a l'habitude, sans résolutions, prières, cadeaux ou chasses au trésor, mais dont on se souviens pour ce qu'elle est : une brique de rien du mur sur lequel on pose les affiches dont on prétends qu'elles sont notre vie. Une journée qu'on organise pas, qui tombe à peu près tout les trois mois, par surprise et pas à heure fixe, et qui en profite pour nous rappeler toutes les journées précédentes, cristallisées de la même façon, moins bien qu'au 11 septembre sans doute, mais enfin on fait ce qu'on peut.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Avril 2018 à 15:26

    Je sais pas trop pourquoi mais je me suis pas mal emballé en l'écrivant donc c'est assez inégal je pense, et surtout la proposition est pas très claire parce que je voulais pas couper mon élan de lyrisme pour m'expliquer ; je propose, pour ceux que ça intéresserait, d'instaurer entre nous un truc, tombant à une heure et une date aléatoire mais à peu près 3-4 fois par ans, où on se force, au moment précis de la notification de ce truc, de se souvenir de ce qu'on fait, et de ce qu'on faisait toutes les fois précédentes où ce truc est arrivé. ça peut prendre la forme d'une application qui envoie un message à une date décidée par elle secrètement, ou plus simplement d'un échange entre nous, où on fixe chacun un moment pour l'autre . 
     Je crois pas être très clair, ça m'est étrangement dur à expliquer, vous voyez ce que je veux dire ou pas ?

      • Jeudi 19 Avril 2018 à 18:35

        On l'appelle le souvenu ?

      • Vendredi 20 Avril 2018 à 02:00

        Si tu veux, moi je pensais à journée pas spéciale ou un truc du genre.
        ça t'intéresserait du coup ou bof ?

      • Samedi 21 Avril 2018 à 13:43

        bah oui

      • Dimanche 29 Avril 2018 à 15:38

        Dans les 4 premières lignes ta mémoire ne me semblent pas tellement diverger de celle d'une grande majorité d'humains, peut-être que je n'ai pas saisi la particularité auquel cas je veux bien que tu réexplique :) 

        Je ne suis pas d'accord avec ce que je comprends de la suite du paragraphe. Les temporalités m'y semblent être mélangées : 

        "ils n'y ont pas pris de décisions, de résolution ou de drogue, n'y ont pas eu de sursaut, d'enfant ou de révélation"

        opposé à :

        "ils courraient au bureau, en retard à cause d'un réveil défectueux ; ils achetais une pâtisserie pour surprendre une amie ; ils trainassaient au lit, regardant la télé en attendant que la journée passe et s'en aille. Mais le souvenir est resté. "

        ne me semble pas juste : oui ils courraient au bureau ou à la boulangerie, mais justement en raison de cet événement je ne pense pas affabuler en avançant que beaucoup ont dû avoir une prise de conscience du type "faisons un enfant" ou au contraire "je n'en ferai jamais vu l'état du monde"ou encore "merde je crois qu'en fait je l'aimais et elle vient de mourir sans que je lui ai dit". Je pense que c'est l'écho personnel de l'événement (+ la médiatisation permanente de l'événement les jours suivants, faisant durer ladite journée au-delà du rythme jour/nuit habituel dans notre société) qui a contribué à marquer ce souvenir, en cela je ne dirais pas que la cause de ce souvenir soit purement extérieure.

        De là, je pense que l'idée de "se forcer", avec un téléphone ou quoi que ce soit d'autre n'aura aucun impact direct sur notre mémoire à long terme. De plus, je ne suis pas sure de saisir l'intérêt de l'expérience, ce qui ne me permettrait pas (à titre personnel) de "m'y tenir". Ou alors ces rappels devraient être imposés par une dictature qui voudraient tous nous formater.

        C'est un fantasme que j'avais petite (sans vouloir réduire ton texte à mes fantasmes d'enfant) en prenant la tête de mon petit frère entre mes mains, en le fixant et en lui disant : "il faut que tu te souvienne de ce jour-ci toute ta vie", soit un jour random soit parce que je l'avais vu apprendre un nouveau mot, ce qui faisait date pour moi parce que j'assistais à un apprentissage que je n'avais pas pu observer sur moi-même, mais qui n'avait aucun intérêt pour lui !

    2
    Dimanche 29 Avril 2018 à 18:00

    Alors pour ta première remarque sur ma mémoire je suis d'accord, enfin je sais pas en fait comment fonctionne les mémoires des autres mais là dfaçon j'essayais pas de me placer en opposition à eux ou même me distinguer, je cherchais juste à expliquer pourquoi cette idée de se souvenir de l'oubliable me plaisait.

    Pour la seconde remarque, je trouve justement plus beaux les récits banals de ceux que le 11 septembre n'a vraiment pas touché meme indirectement comme tu le décrit, c'est de ça que je voulais parler.

    Pour l'objection sur la mémoire à long terme je suis d'accord, c'est pour ça que je proposais de faire ça tous les trois mois environ, pour en profiter pour se remémorer les journées banales précédentes, et il s'agit pas forcément de se forcer à s'en souvenir, mais plutôt d'en faire changer le sens, de dédier un moment banal à sa propre postérité, où il aura infiniment plus de valeur.

    Curieusement je n'ai jamais eu le fantasme du souvenir ou la peur de l'oubli, mais je trouve assez chouette que tu te souviennes de cette scène, d'autant que comme tu la raconte  comme une ancienne habitude, je crois voir plusieurs scènes similaires s'y superposer comme des calques où les traits simimaires se chavauchent et se faisant se renforcent, les details s'occultant les uns les autres, réalisant en un sens ton voeu de souvenance, mais effaçant par là chacuns des moments que tu destinais à ce souvenir, enfin c'est ce que j'y vois, hein.

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