• Une nouvelle d'Amérique…

    Une nouvelle d’Amérique

     

     

     

     

     

    Chapitre 1

     

     

     

             John vivait à New York avant de s’engager sous les drapeaux bleus rouges et or de l’Union. Il menait une vie honorable de cordonnier sans prétention, si ce n’est celle d’être heureux comme tout un chacun. Une prétention qu’il pouvait affirmer atteinte. John avait une femme merveilleuse, des enfants magnifiques et intelligents. Sa clientèle ne lui faisait pas défaut. « Le marché de la chaussure usée existera tant que l’homme marchera » aimait-il clamer.

     

     

     

    La vie de John était radieuse ! Jusqu’à ce jour du 12 avril 1861, alors qu’apparut le mal auteur de milliers de morts, qui jetterait les fils d’une même nation les uns contre les autres, animerait et régirait le quotidien d’un pays entier pendant environs quatre ans : « guerre ». Partout ce mot était scandé dans les rues, les gros titres en annonçaient déjà les causes « justes et charitables ». Les vraies raisons sont aujourd’hui connues et sont loin d’être aussi chevaleresques que celles propagandées à l’époque. Et John dans tout ceci ? Notre brave cordonnier ne fit pas partie des premiers volontaires, en revanche son assistant O’Neill, lui, le fut. O’Neill était d’origine africaine, il fut livré à lui-même très tôt et eut la chance d’être recueilli par une famille, celle de John. Les deux garçons ont grandi ensemble. Bien que l’esclavagisme ait été aboli dans les Etats du Nord, il n’avait pas pour autant les mêmes droits que son « frère » et ne pouvait donc pas tenir de commerce, c’est pourquoi John l'avait pris à titre d’assistant mais veillait à ce qu’il soit rémunéré de la même manière que lui. Avant qu’O’Neill ne soit envoyé sur le front, John lui offrit une paire de bottes d’un noir bleuté très rare. S’en suivit une franche accolade. Pas d’effusion de larmes. Les larmes ils en auraient besoin pour le front…

     

     

     

             Le même jour en rentrant chez lui John trouva au pas de sa porte un vieil homme en tenue militaire. Impossible pour lui de connaître son grade, aussi décida-t-il de l’appeler :

     

    _ « Monsieur ?»

     

    _ « Monsieur John Smith ? »

     

    _ « Oui ? » répliqua John

     

    _ « Au nom de l’Etat-major de l’Union des Etats du Nord des Etats Unis d’Amérique, vous êtes invité à me suivre jusqu’à Washington »

     

    John ressentit une crampe à l’estomac. Que lui voulaient toutes ces hautes instances ? Etait-il enrôlé de force ?

     

    _ « Que me veut-on ? » demanda péniblement John

     

    _ « Vos services sont requis pour l’armée »

     

    Il n’y avait pas pensé mais en effet toutes ces nouvelles recrues allaient avoir besoin de bottes à se mettre aux pieds.

     

     

     

                            

     

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    « Encore en train de lambiner à ce que je vois ? Allez ! Au travail et plus vite que ça bon à rien ! »

     

             C’était donc un jour banal qui débutait pour Ed Whyretime, 18 ans, en pleine fleur de l’âge. Son père avait tendance à le réveiller de la sorte le matin, pour forger son caractère disait-il. Pourtant Ed ne voulait en aucun cas suivre sa voie dans la plantation de coton. Il se passionnait de peinture. Tous les jours, au lieu de surveiller les esclaves comme son père le lui demandait, il se baladait dans les rues de Manassas cherchant où peindre de beaux paysages de sa Virginie adorée. Depuis qu’Ed avait ouvert les yeux le jour de son enfance, les hommes de couleurs avaient toujours été présents autour de lui. Que ce soit à la plantation, au service, aux écuries etc. Mais Ed avait également vécu avec de nombreux Quartier Maîtres. De ceux-ci, il y en eut de toutes sortes : des idiots, des brutaux, des hommes qui ne faisaient ce métier que pour avoir une tranche de lard et quelques haricots le soir dans leurs assiettes. Et puis il y eut Frank. Frank arriva à la plantation familiale lorsqu’Ed était âgé de 8 ans. De tous les hommes qu’avait côtoyé Ed c’était de loin son préféré. Frank lui apprit à se servir d’un pinceau et lui donna ainsi le goût de l’art pictural. Souvent les deux garçons s’isolaient dans la grange rouge où était stocké le foin pour les quelques bêtes de la propriété. Frank lui parlait alors de la peinture européenne, et il lui fit faire son premier tableau. Oh, pas grand-chose d’extraordinaire ! Un simple portrait de Frank. Ed n’avait jamais été aussi heureux. Etant enfant unique et ayant perdu sa mère à ses 4 ans, la compagnie de quelqu’un n’étant pas passionné par le bruit du fouet qui claque sur la peau des esclaves lui faisait du bien. Mais le bonheur ne dure jamais bien longtemps quand on a un père comme celui du jeune Ed. A 12 ans l’artiste en herbe vécut ce qu’aucun enfant ne devrait avoir à vivre. En retournant à l’heure habituelle dans la grange pour retrouver son mentor, le jeune garçon trouva son père avec un fusil, cinq esclaves et Frank. Frank se tenait entre son père et le groupe d’esclaves.

     

    _ « Non monsieur ! C’est injuste ! Ces hommes ont travaillé trois jours de suite. Ils ont bien le droit à un repas chaud ! De plus il s’agit du mien. J’en dispose comme je le veux. »

     

    _ « Comme tu le veux ? » retorqua le tyran au fusil « Mais mon idiot, ce repas, c’est moi qui en dispose comme je le veux ! Tu es sur ma propriété et je fais les règles à ma manière »

     

    _ « Monsieur ces esclaves n’en restent pas moins des hommes avec des besoins de survie ! »

     

    Le doigt sur la détente de son fusil chargé le père remarqua la présence de son fils derrière lui. Ce qui ne l’empêcha pas de se fendre d’un rire cruel qui glaça le sang de tous ceux présents dans la grange.

     

    _ « Humain dis-tu ? Tu aimes défendre ces nègres n’est-ce pas ? »

     

    Il abaissa son fusil. Regarda les esclaves et leurs dit en pointant Frank du doigt

     

    _ « Saisissez-le si vous voulez rester en vie. »

     

    Les hommes ne surent que faire. C’est alors que le père d’Ed saisit son fils et colla le canon de son fusil sur sa tempe.

     

    _ « Saisissez-le ou j’ouvre son crâne avec ma chevrotine. Frank je sais que tous les jours vous empoisonnez mon fils avec vos leçons de dessins idiots. Pour moi, mon fils est mort après avoir écouté vos balivernes ! Cela ne me fera aucun mal de me débarrasser de cette bouche à nourrir qui ne fait rien de ses journées ! »

     

    A chaque nouveau mot que disait son père, le jeune Ed sentait son cœur devenir cendre, sa salive devenir lave, ses larmes lui brulaient les joues. Son propre père le menaçait. Frank se jeta à genoux et implora la clémence du vieil homme. Il n’eut pour réponse qu’un rictus malfaisant.

     

    _ « Faites ce qu’il dit s’il vous plait » dit Frank d’un air décidé et abattu en tournant la tête vers les esclaves.

     

    Les cinq hommes s’avancèrent vers Frank, pour qui ces secondes furent d’une lenteur infinie. Une fois les hommes autour de Frank toujours à genoux, le visage tourné vers le sol et les yeux vides comme si tous les espoirs qu’il avait en l’humanité avaient disparu, le père d’Ed désigna un à un les hommes. Ils entourèrent Frank. Deux saisirent ses bras, deux autres ses jambes et le dernier sa tête. Le père d’Ed se tourna vers son fils le fusil toujours braqué sur sa tempe et lui dit :

     

    _ « Si toi aussi tu as de la compassion pour ces animaux ils se retourneront contre toi ! Si tu t’avises de détourner les yeux tu iras travailler avec eux et seras traité de la même façon. As-tu compris ? A partir d’aujourd’hui plus de dessins grotesques. Le seul outil que tu manieras sera le fouet et tu l’utiliseras sur eux comme je te l’apprendrai. Ne me désobéis pas ou je ferai de ta vie un enfer. »

     

    Il se tourna vers les cinq hommes tenant Frank, il leur intima l’ordre de tirer de toutes leurs forces. Plus les muscles des esclaves se contractaient, plus les cris de Frank sous cette douleur s’intensifiait ! Ed vit la peur et la souffrance dans les yeux de son ami. Mais il en vit davantage dans les yeux des esclaves. Pendant de longues minutes Frank hurlait et le père d’Ed souriait en faisant attention à ce que son fils observe chaque détail de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Soudainement, le cou de Frank craqua, il ne se débattait plus. Les larmes coulèrent le long des visages des esclaves ainsi que sur celles d’Ed.

     

    _ « Tu vois ce que ces animaux sont capables de faire ? » dit le père en abaissant son fusil.

     

    Ed savait que le petit garçon en lui était mort avec son ami. Les yeux pleins de larmes il acquiesça d’un mouvement de tête.

     

    _ « Bien. Maintenant sors d’ici et va surveiller les autres esclaves. Je dois punir ces nègres pour le crime qu’ils ont commis. »

     

    Ed partit en marchant lentement, le regard vide, les larmes finissant de couler sur son menton. Des coups de feu retentirent dans la propriété. Ed savait. Le regard des esclaves ne trahissait pas. Ils ressentaient une émotion qui les rendait plus humains que son propre père : l’empathie.

     

    Ed n’oubliera jamais ce moment de sa vie et en tirera les leçons.


  • Commentaires

    1
    Lundi 11 Septembre 2017 à 13:56

    Wow on sent le travail derrière et ça se lit sans pb ça commence bien biggrin

      • Lundi 11 Septembre 2017 à 14:18

        Merci beaucoup ! Le deuxième chapitres est en cours de finalisation !

         

    2
    Lundi 11 Septembre 2017 à 14:41

    C'est vraiment très bien, mais c'est vraiment beaucoup trop triste j'ai envie de pleurer, il est trop méchant le père Whyretime

    3
    Lundi 11 Septembre 2017 à 16:36

    oui c'est cool !
    Par contre quelqu'un sais pourquoi ça apparait pas dans "derniers articles" ?

     

      • Lundi 11 Septembre 2017 à 16:51

        Moi je le vois dedans

    4
    Lundi 11 Septembre 2017 à 19:03

    Vous pensez que ed va trahir le sud ?

      • Samedi 16 Septembre 2017 à 02:31

        oui

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