• Une nouvelle d'Amérique. Chapitre 2

     

    Chapitre 2

     

     

     

             Cela faisait déjà plusieurs heures que John et quelques autres voyageaient à bord d’un convoi de dizaines de chariots de l’armée. Des hommes, du matériel, des chevaux, et tout ce qui était nécessaire aux affrontements à venir, convergeaient vers Washington.

     

    A côté de John était assis un homme en tenue trahissant une pauvreté certaine. En face de lui, deux jeunes hommes riaient aux éclats depuis le début du voyage. Ces compagnons de voyage semblaient être amis depuis un certain temps. Devant, les deux soldats restaient silencieux, fumant des cigarettes et polissant les chambres de leurs fusils.

     

    John pensait fort à O’Neill, que devenait-il ? Où était-il ? Seraient-ils à nouveau réunis ? Toutes ses questions l’empêchèrent de remarquer que l’un des deux hommes en face de lui, qui s’appelait Andrew, lui avait adressé la parole. Finalement John revint à lui :

     

    _ « Excusez-moi ! J’étais… dans mes pensées »

     

    _ « Il n’y a pas de soucis Monsieur ! Je vous demandais pourquoi vous vous engagiez ? Pour moi et mon pote Phil c’est parce que les Sudistes sont des idiots et des racistes ! Alors il faut lutter contre eux pour le droit de tous les hommes, peu importe leur couleur de peau. »

     

    _ « A vrai dire je ne me suis pas engagé. Un gradé est venu chez moi et m’a convié à venir à D.C. ! Je ne sais pas ce que me veut l’armée. »

     

    John se garda bien de dire la totale vérité. De dire qu’il s’agissait de l’Etat-major qui l’avait convoqué. Il faut dire que John avait toujours été humble et méfiant de nature.

     

    _ « Ah ! Peut-être que vous vous êtes engagé sans le savoir ! Vous savez l’alcool, une soirée trop arrosée … »

     

    John rit doucement et répondit :

     

    _ « Je ne pense pas jeunes hommes … mais j’en saurai sans doute plus une fois arrivé ! »

     

    Se tournant vers l’homme assis à côté de John, Phil le questionna de la même façon que son ami Andrew. Ce à quoi, l’homme qui se nommait Mike dit que vu sa condition la moindre rémunération ne se refusait pas. Pour cet homme la guerre signifiait la survie. Phil et Andrew eux y allaient pour de justes causes, selon eux, et sans doute pour la gloire. John, lui, ne savait toujours pas pourquoi l’Etat-major demandait sa venue. Le reste du voyage se passa tranquillement.

     

    En début de matinée le convoi avait été rejoint par bien d’autres. C’était maintenant des centaines de chariots qui se massaient aux abords de la capitale. Le bruit réveilla John. Le bruit de roues, les chevaux qui hennissaient, les hommes qui criaient… Un beau bazar dans lequel John devait trouver son chemin. Du fait d’un trop grand nombre de convois en approche de Washington, les chariots étaient stoppés sur la route depuis plusieurs minutes déjà. Les soldats à l’avant leur conseillèrent de continuer le chemin à pieds. Les quatre hommes les remercièrent et partirent. En arrivant en ville, les compagnons étaient perdus. Où aller ? Un homme, visiblement sous-officier, les interpella. Il leur demanda où ils allaient. Ce à quoi personne n’eut de réponse. Le sous-officier leur indiqua un baraquement. John lui parla de son cas et précisa la nature de sa convocation. Ce à quoi le militaire ne répondit rien dans un premier temps. Il le dévisageait maintenant depuis quelques secondes. De gênantes et longues secondes. Il appela son supérieur qui vint assez rapidement.

     

    _ « Monsieur, puis-je vous demander de décliner votre identité ? »

     

    _ « John Smith de New York, Monsieur » répondit-il sans quitter le sous-officier des yeux.

     

    _ « Ah oui ! Le colonel Yveb m’avais prévenu » Tout en lui répondant, il cocha quelque chose sur le calepin qu’il avait à la main. John remarqua ce détail, cela soulevait plusieurs questions : Etaient-ils plusieurs dans le même cas ? Pourquoi lui ? Le militaire l’invita à le suivre. Il s’exécuta. Ils marchèrent vers l’extérieur de la ville. L’atmosphère était euphorique. Tous couraient, les canons étaient tractés par des chevaux soulevant des nuages de poussières immense et aveuglants. C’était la première fois que John se trouvait au milieu d’une telle ambiance. Il suivit donc la marche rapide de son guide tout en observant les visages des hommes autour de lui. Pourquoi avaient-ils tous l’air si heureux ? Au bout d’une vingtaine de minutes, ils arrivèrent tous deux devant une grande maison faite de bois devant laquelle deux gardes vêtus du désormais bien connu uniforme de l’Union surnommé « tunique bleue », patrouillaient.

     

    _ « Ma route s’arrête ici monsieur. Je vous souhaite bonne chance. Rentrez dans la maison de l’Etat-major et attendez que l’on vous appelle. »

     

    Le militaire salua John et repartit sans dire un mot de plus. « Décidément les militaires sont de grands dramaturges », pensa John

     

    Il s’approcha de la maison quelque peu hésitant puis, une fois sur le palier, toqua deux coups. Un major d’homme lui ouvrit.

     

    _ « Qui dois-je annoncer à Monsieur ? » demanda le majordome très pompeusement.

     

    _ « Monsieur John Smith, de New York » répliqua notre cordonnier quelque peu lassé d’avoir à décliner sans arrêt son identité.

     

    Le majordome le fit entrer. Les murs étaient peints d’une couleur jaune qui rendait la pièce lumineuse. Elle était éclairée par un lustre accroché au plafond, des tableaux représentant des victoires datant de l’indépendance des Etats Unis étaient accrochés aux murs. Ici et là une plante dans un pot en cristal décorait la pièce. A droite et à gauche des bancs peint en blanc adossés aux murs attendaient les visiteurs. Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde en chêne sur laquelle était soigneusement disposés des journaux. En face de l’entrée se trouvait une porte avec une poignée argentée qui reflétait la lumière du lustre.

     

    John s’assit, et attendit. Environs une heure s’écoula. De temps à autres le sol grinçait et perçait le silence assourdissant de la pièce. Enfin, après cette longue attente, le majordome vint le chercher.

     

    _ « Monsieur, le général McDowell va vous recevoir !»

     

    John le suivit, soucieux de rencontrer un général et de savoir enfin ce qu’il lui voulait.

     

    Le major d’homme ouvrit la porte. John vit pour la première fois le général Irvin McDowell un homme d’une cinquantaine d’années. Il était assis dans un fauteuil rouge qui semblait plutôt confortable.

     

    _ « Asseyez-vous jeune homme » dit-il en écrasant la fin de son cigare dans un cendrier posé sur une table. Sur laquelle, John remarqua d’un rapide coup d’œil, qu’étaient disposés des plans de la région. John s’assit sur une chaise à une des extrémités de la table et Irvin reprit :

     

    _ « Je me doute que vous avez beaucoup d’interrogations sur la nature de votre présence ici. Aussi irai-je droit au but. Vous êtes ici pour m’assister pendant un temps. Et par assister, je veux dire être à mon service, autrement dit être mon homme de confiance, mon secrétaire, mon porte documents et évidemment mon cordonnier. Car voyez- vous un Major général de ma prestance ne peut avoir des bottes en mauvais état. En outre, j’aurai besoin de vos talents d’écriture pour mes notes ainsi que mes mémoires. »

     

    Avant même que John ne puisse rétorquer quoi que ce soit, le général dit après avoir brièvement repris son souffle :

     

    _ « Je tiens à nous épargner la perte de temps de votre future question : « pourquoi moi monsieur ?». Et bien, voyez-vous, chaque grand homme eut quelqu’un auprès de lui, un homme du peuple pour lui rappeler la bonne voie. De plus, l’Etat-major nous encourage à être secondé. Et en me baladant parmi les nouvelles recrues à New York je suis tombé sur le premier noir à s’engager dans nos rangs. Aussi à titre symbolique et honorifique je lui fis la même proposition qu’à vous. Ce à quoi il me répondit négativement. Mais il me conseilla un homme sachant être habile avec un stylo et le meilleur cordonnier du conté qui plus est… »

     

    Sans attendre le reste, John lui demanda soudainement le sourire aux lèvres :

     

    _ « Mon frère est ici ? »

     

    _ « Affirmatif John, et vous serez libre de le voir au camp d’entrainement dès que vous aurez signé votre contrat, vous plaçant ainsi sous mes ordres directs et sous ma protection. »

     

    La réflexion fut mouvementée dans l’esprit de John.

     

    _ « Et qu’aurais-je à gagner à me mettre à votre service. A New York j’ai une femme qui et des enfants qui m’attendent. Et un commerce qui marche plus que bien. » demanda John en fronçant les sourcils.

     

    _ « Et bien, comme je vous l’ai dit, vous pourrez voir votre frère dès que vous le voudrez. Pour votre famille, imaginez leur fierté. Pour votre commerce, il sera tenu par un professionnel de l’armée, ne vous en faites pas. De plus, on ne travaille pas gratuitement pour moi. Vous serrez rémunéré le double de votre salaire habituel, et la moitié ira à votre famille »

     

     Après ces paroles, John n’eut pas à réfléchir plus longtemps.

     

    Dès demain, il reverrait son frère.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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             Ce matin, Ed fut étonné d’être réveillé en douceur par des clairons. Il était plus tôt que l’heure habituelle à laquelle il se levait, aussi, il lui fallut plus de temps pour sortir de son lit. Il se leva péniblement, enfila le pantalon troué qui trainait sous son lit. Tout en baillant et se grattant le haut du crâne, il ouvrit les volets de l’unique fenêtre de sa chambre. Dans un premier temps il fut ébloui par la lumière du soleil, mais plus ses yeux s’habituaient à la luminosité, plus il distinguait  des formes inhabituelles . Enfin Ed aperçut deux cavaliers en tenue militaire, et son père. Il distingua également sur le chemin principal de la propriété un chariot transportant deux autres militaires et quatre hommes en civil. Son père se tourna vers lui et lui lança sèchement :

     

    _ « Descends ici flémard, ces messieurs veulent te parler ! »

     

    Des militaires ? Pour lui ? Ceci piquait sa curiosité, Ed n’était jamais contre une aventure et surtout, un moyen de partir loin de la plantation. Il descendit les marches quatre à quatre, faisant grincer les planches de bois. Il arriva enfin devant les militaires et son père. Les militaires le saluèrent, son père le dédaigna du regard comme à son habitude.

     

    Un des cavaliers descendit de son cheval, s’avança vers Ed, puis lui tendit la main. Ed lui serra immédiatement avec un grand sourire. Il ne voyait pas en lui un militaire, mais un possible échappatoire.

     

    _ « Bonjour Ed, l’armée a une proposition à te faire. Tu n’es peut-être pas au courant mais les Etas de la confédération sont en guerre contre les Yankees. Nos rapports montrent une intense activité de rassemblement à Washington. Leur plan serait logiquement de se ruer à Richmond. Le point sur lequel nous comptons concentrer nos défenses se trouve ici, dans les alentours de Manassas. Aussi nous demandons à tous les civils de se préparer à partir de la ville. Simplement, les rapports indiquent aussi que les Yankees ont levé en un temps record une armée qui pourrait s’élever à trente-cinq mille hommes.

     

    Nous recrutons donc. Es-tu intéressé par rejoindre l’armée des défenseurs de nos droits sudistes ? »

     

    Ed ne s’était jamais senti compatriote ou guerrier dans l’âme. Mais une telle occasion de partir loin de son horrible père ne se représenterait peut-être jamais. Il se tourna vers son père et lui dit :

     

    _ « Je pars, père ! J’espère ne jamais te revoir ! Puisses-tu souffrir un minimum de mon absence. Vis, et meurs seul. C’est le mieux que je puisse te souhaiter. »

     

    Son père rit doucement sans bienveillance. Ed courut dans sa chambre saisir un drap pour y mettre les quelques provisions qu’il cachait sous son lit, deux caleçons, une chemise et un pantalon. Il prit soin de ne pas oublier la photo de sa mère qui était sur sa table de chevet. Il redescendit dans la cuisine. Le militaire était assis à la petite table ronde, un papier à la main. Le stylo disposé à côté des feuilles ne laissait aucun doute, il s’agissait du contrat. Ed le signa sans même le lire. L’officier lui dit alors de rejoindre les autres dans la chariote. Ed sortit de la maison un grand sourire aux lèvres. C’était la première fois qu’il se sentait si léger depuis le jour de la mort de Frank. Il rejoint les hommes dans la chariote. Tous avaient la mine basse. Tous n’étaient pas aussi pressés qu’Ed de quitter leur foyer pour aller au combat. Tout comme Mike qui voulait vivre une vie meilleure en s’engageant dans l’armée, Ed avait trouvé son salut dans l’engagement militaire. Ed s’assit avec son grand sourire toujours affiché sur son visage.

     

    _ « Savez-vous où nous allons ? dans quel corps d’armée sommes-nous incorporés ?   Je n’ai pas lu mon contrat pour ne rien vous cacher, je voulais juste partir le plus vite possible. »

     

    La bonne humeur de Ed faisait tâche. Personne ne répondit. Cet singularité aurait énervé plus d’un homme. Mais pas Ed. Pour lui c’était de l’ordre de l’ordinaire que personne ne lui réponde. Au loin, le militaire serrait la main de son père. Il revint vers le chariot. Ed l’interpella à nouveau sur le lieu de leur arrivée et sur les détails de son affectation.

     

    _ « Nous allons à un campement d’entrainement non loin de là, toi tu seras affecté à l’artillerie. Ton père a échangé la promesse de nous fournir des vivres au campement contre la promesse que tu serais le plus loin possible du feu. »

     

     

     

    Ed n’en revenait pas. Il partait et son père voulait le protéger. Peut-être l’aimait-il à sa façon, en fin de compte ?

     


  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Septembre 2017 à 19:58

    C'est très bien, je préfère ce chapitre qui posent des questions cool

      • Vendredi 15 Septembre 2017 à 21:54

        Qu'est ce que tu entends par cool? Y a t'il un axe de l'histoire que tu préfèrerai voir plus développer ?

         

      • Mardi 19 Septembre 2017 à 02:40

        Merci pour ce texte

    2
    Samedi 16 Septembre 2017 à 02:12

    "Tous couraient, les canons étaient tractés par des chevaux soulevant des nuages de poussières immense et aveuglants."

    j'aime cette phrase

    3
    Lundi 18 Septembre 2017 à 14:55

    j'aime bien mais j'ai quelques problèmes avec la forme, certaines phrases sont assez malhabiles, je trouve... Des trucs un peu à la con, genre une virgule qui manque : "John vit pour la première fois le général Irvin McDowell un homme d’une cinquantaine d’années", ou en trop : "Ed n’était jamais contre une aventure et surtout, un moyen de partir loin de la plantation." Mais, combinés avec des mots de liaison pas toujours très bien utilisés, ça peut donner des trucs assez moches,  comme : "Sur laquelle, John remarqua d’un rapide coup d’œil, qu’étaient disposés des plans de la région".
    Voilà j'en profite pour te demander ta politique sur la critique : ça t'aide ou ça te fais juste chier ? Je suis sans doute un peu vache, donc n'hésite pas à me le dire, et à traiter mes  trucs de la meme façon ! 

      • Mardi 19 Septembre 2017 à 02:41

        En réalité la langue française écrite n'est vraiment pas mon fort. Je m'y remets surtout a cause de mon chômage technique. Et la critique me permet d'avancer. Le rythme n'est pas une de mes priorités et devient donc un point faible quand je reprends l'écriture de manière plus sérieuse.   

      • Mardi 19 Septembre 2017 à 17:58

        Honnetement je trouve ça agréable à lire, c'est l'essentiel.
        Pour le rythme je comprends pas trop ce que tu veux dire, tu parles du rythme du récit ou de ton rythme de production ?
        Dans le premier cas je le trouve très bien, dans le second je te dirais de pas te forcer.
        Content que tu prennes bien la critique, malheureusement je suis pas sur de pouvoir la rendre très constructive, perso. Mais si t'as une idée de comment je pourrais t'aider, hésite surtout pas !

      • Mardi 19 Septembre 2017 à 17:58

        ah et aussi : pourquoi tu change la taille de la police ?

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