•  Vous aviez encore chacun des affaires appartenant à l'autre, vous vous retrouvez donc devant chez toi pour les échanger.
     Il te passe les tiennes sitôt dit bonjour, toi tu traines un peu.
     Tu dis que c'est trop con, quand même.
     Que tu ne comprends pas trop pourquoi.
     Qu'il est bête, c'est pas possible autrement.
     Et il a pensé aux autres ? Il compte arrêter de les voir aussi ?
     Il était ton meilleur ami, ça peut quand même pas se finir comme ça ...
     Il va vraiment rien dire ?? C'est ça son super plan ?
     Le pire c'est qu'il doit se croire courageux.
     Qu'est ce qu'il essaie de faire ?

     Tu le prends dans tes bras. Les siens restent raides le long de son corps. Tu pleures. Pendant longtemps.
     Puis tu te dégages. Tu détournes la tête, et poses ses affaires sur un petit muret. Et puis tu t'en va.


    2 commentaires
  • Cette fois là on se retrouve à porte de Choisy, on marche vers chez toi.

    C'est un peu gênant au début, le silence ne s'entendant qu'à grand'peine à travers mes efforts surhumains pour le couvrir d'absurdités quelconques.

     à mi chemin tu t’arrêtes. On est sur un grand trottoir, le long du mur d'un cimetière ; il fait nuit, les bulbes des lampadaires perdus dans les feuillages ne projettent qu'une lumière faiblarde.
     Tu te tournes vers moi, qui me met contre le mur. Tes yeux se plantent dans les miens.

    Tu me demandes ce qu'il s'est passé avec Delphine, et me laisses parler une demi seconde avant de te rendre compte qu'on est repartis pour le même débat que la dernière fois. Tu essaies donc de couper cours :
    "-Raah mais arrête ! C'est pas possible d’être aussi têtu... J'ai besoin de le savoir, OK ?
     -Mais enfin tu comprends bien que c'est un peu la trahir quand même...
     - La trahir de me le raconter à moi ??
     - Enfin elle est pas con, elle sais bien que j...   ...T'imagine pour elle, apprendre qu'on discute de ça tous les deux ?
     - Mais n'importe quoi ! C'est mon amie. J'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé, pour la réconforter justement,,
     - Mais en la réconfortant elle va bien se rendre compte que tu sais des trucs... Elle est déjà assez blessée comme ça... écoute c'est ma faute, s'il te plait n'en rajoute pas pour elle.
     - C'est toi qui en rajoute ! Comment tu veux que je la réconforte... " On tourne un peu en rond autour de ça, jusqu'à ça se transforme en :
    "-Dis moi.
     -Non.
     -Dis moi.
     -Non.
     -Dis moi."...

     à vrai dire on s'était déjà retrouvés dans des situations comme celles ci, mais jusqu'alors elles avaient toujours tourné à ton avantage, ma peur d'aller trop loin et de te perdre étant assez supérieurs à mon opiniâtreté. Cette fois là il n'y avait semble t il pas grand chose à perdre : tu m'avais dit trois jours plus tôt que tu ne voulais plus jamais me voir.

     On reste donc comme ça pas mal de temps. Finalement tu soupires, te remets face à moi,  fermes le poing, me défies du regard et désignes le mur toujours derrière moi :
    "-Si tu me dis pas, je donne un coup de poing de toutes mes forces dans ce mur"
    T'es pas du genre à bluffer, mais bon :
    "-Si tu fais ça je donne un coup de boule dans le même mur"
    Tu me regardes, esquisses un sourire, et frappes.
     Les 30 secondes d'après sont un peu floues.

     On se regarde pendant longtemps après ça.
     Une autre idée finis par passer dans tes yeux ; tu t'humectes les lèvres. Puis ton regard se baisse vers les miennes.

     

    Je t'en veux encore.


    4 commentaires
  • Celui là a un titre : Je ne me souviens pas avoir jamais été aussi heureux

     

     Le 6 mars 2015, tu nous invites, Antoine, Nathalie et moi, à jouer à super smash bros mélée chez toi. Après s’être tous fait copieusement défoncer, tu nous proposes de rester dormir ; Nathalie peut pas et se casse, je reste avec Antoine.
     Se pose alors le problème du couchage : t'as un lit et un matelas au sol, on est trois. Bon prince, je laisse le lit. Bonne princesse, tu fais de même : on se serrera sur le matelas.

     On s'est évidemment couchés tard, et on s'endort rapidement, mais je me réveille au milieu de la nuit. Trop occupé sans doute à penser à toi, je n'arrive pas à me rendormir tout de suite, et me tourne un peu. Je bouge un membre de trop, tes yeux s'entrouvrent, baignés de sommeil et de la lueur du lampadaire de la rue d'en face, filtrant à grand peine à travers tes rideaux. Un moment je sens que tu ne sais pas où tu es ni ce que peut être cette forme obscure qui te regarde si intensément, mais tu fini par me reconnaitre.
     Le sourire que tu as eu en te rendormant est le plus beau que j'ai jamais vu.


    7 commentaires
  •  

    Chapitre 2

     

     

     

             Cela faisait déjà plusieurs heures que John et quelques autres voyageaient à bord d’un convoi de dizaines de chariots de l’armée. Des hommes, du matériel, des chevaux, et tout ce qui était nécessaire aux affrontements à venir, convergeaient vers Washington.

     

    A côté de John était assis un homme en tenue trahissant une pauvreté certaine. En face de lui, deux jeunes hommes riaient aux éclats depuis le début du voyage. Ces compagnons de voyage semblaient être amis depuis un certain temps. Devant, les deux soldats restaient silencieux, fumant des cigarettes et polissant les chambres de leurs fusils.

     

    John pensait fort à O’Neill, que devenait-il ? Où était-il ? Seraient-ils à nouveau réunis ? Toutes ses questions l’empêchèrent de remarquer que l’un des deux hommes en face de lui, qui s’appelait Andrew, lui avait adressé la parole. Finalement John revint à lui :

     

    _ « Excusez-moi ! J’étais… dans mes pensées »

     

    _ « Il n’y a pas de soucis Monsieur ! Je vous demandais pourquoi vous vous engagiez ? Pour moi et mon pote Phil c’est parce que les Sudistes sont des idiots et des racistes ! Alors il faut lutter contre eux pour le droit de tous les hommes, peu importe leur couleur de peau. »

     

    _ « A vrai dire je ne me suis pas engagé. Un gradé est venu chez moi et m’a convié à venir à D.C. ! Je ne sais pas ce que me veut l’armée. »

     

    John se garda bien de dire la totale vérité. De dire qu’il s’agissait de l’Etat-major qui l’avait convoqué. Il faut dire que John avait toujours été humble et méfiant de nature.

     

    _ « Ah ! Peut-être que vous vous êtes engagé sans le savoir ! Vous savez l’alcool, une soirée trop arrosée … »

     

    John rit doucement et répondit :

     

    _ « Je ne pense pas jeunes hommes … mais j’en saurai sans doute plus une fois arrivé ! »

     

    Se tournant vers l’homme assis à côté de John, Phil le questionna de la même façon que son ami Andrew. Ce à quoi, l’homme qui se nommait Mike dit que vu sa condition la moindre rémunération ne se refusait pas. Pour cet homme la guerre signifiait la survie. Phil et Andrew eux y allaient pour de justes causes, selon eux, et sans doute pour la gloire. John, lui, ne savait toujours pas pourquoi l’Etat-major demandait sa venue. Le reste du voyage se passa tranquillement.

     

    En début de matinée le convoi avait été rejoint par bien d’autres. C’était maintenant des centaines de chariots qui se massaient aux abords de la capitale. Le bruit réveilla John. Le bruit de roues, les chevaux qui hennissaient, les hommes qui criaient… Un beau bazar dans lequel John devait trouver son chemin. Du fait d’un trop grand nombre de convois en approche de Washington, les chariots étaient stoppés sur la route depuis plusieurs minutes déjà. Les soldats à l’avant leur conseillèrent de continuer le chemin à pieds. Les quatre hommes les remercièrent et partirent. En arrivant en ville, les compagnons étaient perdus. Où aller ? Un homme, visiblement sous-officier, les interpella. Il leur demanda où ils allaient. Ce à quoi personne n’eut de réponse. Le sous-officier leur indiqua un baraquement. John lui parla de son cas et précisa la nature de sa convocation. Ce à quoi le militaire ne répondit rien dans un premier temps. Il le dévisageait maintenant depuis quelques secondes. De gênantes et longues secondes. Il appela son supérieur qui vint assez rapidement.

     

    _ « Monsieur, puis-je vous demander de décliner votre identité ? »

     

    _ « John Smith de New York, Monsieur » répondit-il sans quitter le sous-officier des yeux.

     

    _ « Ah oui ! Le colonel Yveb m’avais prévenu » Tout en lui répondant, il cocha quelque chose sur le calepin qu’il avait à la main. John remarqua ce détail, cela soulevait plusieurs questions : Etaient-ils plusieurs dans le même cas ? Pourquoi lui ? Le militaire l’invita à le suivre. Il s’exécuta. Ils marchèrent vers l’extérieur de la ville. L’atmosphère était euphorique. Tous couraient, les canons étaient tractés par des chevaux soulevant des nuages de poussières immense et aveuglants. C’était la première fois que John se trouvait au milieu d’une telle ambiance. Il suivit donc la marche rapide de son guide tout en observant les visages des hommes autour de lui. Pourquoi avaient-ils tous l’air si heureux ? Au bout d’une vingtaine de minutes, ils arrivèrent tous deux devant une grande maison faite de bois devant laquelle deux gardes vêtus du désormais bien connu uniforme de l’Union surnommé « tunique bleue », patrouillaient.

     

    _ « Ma route s’arrête ici monsieur. Je vous souhaite bonne chance. Rentrez dans la maison de l’Etat-major et attendez que l’on vous appelle. »

     

    Le militaire salua John et repartit sans dire un mot de plus. « Décidément les militaires sont de grands dramaturges », pensa John

     

    Il s’approcha de la maison quelque peu hésitant puis, une fois sur le palier, toqua deux coups. Un major d’homme lui ouvrit.

     

    _ « Qui dois-je annoncer à Monsieur ? » demanda le majordome très pompeusement.

     

    _ « Monsieur John Smith, de New York » répliqua notre cordonnier quelque peu lassé d’avoir à décliner sans arrêt son identité.

     

    Le majordome le fit entrer. Les murs étaient peints d’une couleur jaune qui rendait la pièce lumineuse. Elle était éclairée par un lustre accroché au plafond, des tableaux représentant des victoires datant de l’indépendance des Etats Unis étaient accrochés aux murs. Ici et là une plante dans un pot en cristal décorait la pièce. A droite et à gauche des bancs peint en blanc adossés aux murs attendaient les visiteurs. Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde en chêne sur laquelle était soigneusement disposés des journaux. En face de l’entrée se trouvait une porte avec une poignée argentée qui reflétait la lumière du lustre.

     

    John s’assit, et attendit. Environs une heure s’écoula. De temps à autres le sol grinçait et perçait le silence assourdissant de la pièce. Enfin, après cette longue attente, le majordome vint le chercher.

     

    _ « Monsieur, le général McDowell va vous recevoir !»

     

    John le suivit, soucieux de rencontrer un général et de savoir enfin ce qu’il lui voulait.

     

    Le major d’homme ouvrit la porte. John vit pour la première fois le général Irvin McDowell un homme d’une cinquantaine d’années. Il était assis dans un fauteuil rouge qui semblait plutôt confortable.

     

    _ « Asseyez-vous jeune homme » dit-il en écrasant la fin de son cigare dans un cendrier posé sur une table. Sur laquelle, John remarqua d’un rapide coup d’œil, qu’étaient disposés des plans de la région. John s’assit sur une chaise à une des extrémités de la table et Irvin reprit :

     

    _ « Je me doute que vous avez beaucoup d’interrogations sur la nature de votre présence ici. Aussi irai-je droit au but. Vous êtes ici pour m’assister pendant un temps. Et par assister, je veux dire être à mon service, autrement dit être mon homme de confiance, mon secrétaire, mon porte documents et évidemment mon cordonnier. Car voyez- vous un Major général de ma prestance ne peut avoir des bottes en mauvais état. En outre, j’aurai besoin de vos talents d’écriture pour mes notes ainsi que mes mémoires. »

     

    Avant même que John ne puisse rétorquer quoi que ce soit, le général dit après avoir brièvement repris son souffle :

     

    _ « Je tiens à nous épargner la perte de temps de votre future question : « pourquoi moi monsieur ?». Et bien, voyez-vous, chaque grand homme eut quelqu’un auprès de lui, un homme du peuple pour lui rappeler la bonne voie. De plus, l’Etat-major nous encourage à être secondé. Et en me baladant parmi les nouvelles recrues à New York je suis tombé sur le premier noir à s’engager dans nos rangs. Aussi à titre symbolique et honorifique je lui fis la même proposition qu’à vous. Ce à quoi il me répondit négativement. Mais il me conseilla un homme sachant être habile avec un stylo et le meilleur cordonnier du conté qui plus est… »

     

    Sans attendre le reste, John lui demanda soudainement le sourire aux lèvres :

     

    _ « Mon frère est ici ? »

     

    _ « Affirmatif John, et vous serez libre de le voir au camp d’entrainement dès que vous aurez signé votre contrat, vous plaçant ainsi sous mes ordres directs et sous ma protection. »

     

    La réflexion fut mouvementée dans l’esprit de John.

     

    _ « Et qu’aurais-je à gagner à me mettre à votre service. A New York j’ai une femme qui et des enfants qui m’attendent. Et un commerce qui marche plus que bien. » demanda John en fronçant les sourcils.

     

    _ « Et bien, comme je vous l’ai dit, vous pourrez voir votre frère dès que vous le voudrez. Pour votre famille, imaginez leur fierté. Pour votre commerce, il sera tenu par un professionnel de l’armée, ne vous en faites pas. De plus, on ne travaille pas gratuitement pour moi. Vous serrez rémunéré le double de votre salaire habituel, et la moitié ira à votre famille »

     

     Après ces paroles, John n’eut pas à réfléchir plus longtemps.

     

    Dès demain, il reverrait son frère.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

     

     

     

             Ce matin, Ed fut étonné d’être réveillé en douceur par des clairons. Il était plus tôt que l’heure habituelle à laquelle il se levait, aussi, il lui fallut plus de temps pour sortir de son lit. Il se leva péniblement, enfila le pantalon troué qui trainait sous son lit. Tout en baillant et se grattant le haut du crâne, il ouvrit les volets de l’unique fenêtre de sa chambre. Dans un premier temps il fut ébloui par la lumière du soleil, mais plus ses yeux s’habituaient à la luminosité, plus il distinguait  des formes inhabituelles . Enfin Ed aperçut deux cavaliers en tenue militaire, et son père. Il distingua également sur le chemin principal de la propriété un chariot transportant deux autres militaires et quatre hommes en civil. Son père se tourna vers lui et lui lança sèchement :

     

    _ « Descends ici flémard, ces messieurs veulent te parler ! »

     

    Des militaires ? Pour lui ? Ceci piquait sa curiosité, Ed n’était jamais contre une aventure et surtout, un moyen de partir loin de la plantation. Il descendit les marches quatre à quatre, faisant grincer les planches de bois. Il arriva enfin devant les militaires et son père. Les militaires le saluèrent, son père le dédaigna du regard comme à son habitude.

     

    Un des cavaliers descendit de son cheval, s’avança vers Ed, puis lui tendit la main. Ed lui serra immédiatement avec un grand sourire. Il ne voyait pas en lui un militaire, mais un possible échappatoire.

     

    _ « Bonjour Ed, l’armée a une proposition à te faire. Tu n’es peut-être pas au courant mais les Etas de la confédération sont en guerre contre les Yankees. Nos rapports montrent une intense activité de rassemblement à Washington. Leur plan serait logiquement de se ruer à Richmond. Le point sur lequel nous comptons concentrer nos défenses se trouve ici, dans les alentours de Manassas. Aussi nous demandons à tous les civils de se préparer à partir de la ville. Simplement, les rapports indiquent aussi que les Yankees ont levé en un temps record une armée qui pourrait s’élever à trente-cinq mille hommes.

     

    Nous recrutons donc. Es-tu intéressé par rejoindre l’armée des défenseurs de nos droits sudistes ? »

     

    Ed ne s’était jamais senti compatriote ou guerrier dans l’âme. Mais une telle occasion de partir loin de son horrible père ne se représenterait peut-être jamais. Il se tourna vers son père et lui dit :

     

    _ « Je pars, père ! J’espère ne jamais te revoir ! Puisses-tu souffrir un minimum de mon absence. Vis, et meurs seul. C’est le mieux que je puisse te souhaiter. »

     

    Son père rit doucement sans bienveillance. Ed courut dans sa chambre saisir un drap pour y mettre les quelques provisions qu’il cachait sous son lit, deux caleçons, une chemise et un pantalon. Il prit soin de ne pas oublier la photo de sa mère qui était sur sa table de chevet. Il redescendit dans la cuisine. Le militaire était assis à la petite table ronde, un papier à la main. Le stylo disposé à côté des feuilles ne laissait aucun doute, il s’agissait du contrat. Ed le signa sans même le lire. L’officier lui dit alors de rejoindre les autres dans la chariote. Ed sortit de la maison un grand sourire aux lèvres. C’était la première fois qu’il se sentait si léger depuis le jour de la mort de Frank. Il rejoint les hommes dans la chariote. Tous avaient la mine basse. Tous n’étaient pas aussi pressés qu’Ed de quitter leur foyer pour aller au combat. Tout comme Mike qui voulait vivre une vie meilleure en s’engageant dans l’armée, Ed avait trouvé son salut dans l’engagement militaire. Ed s’assit avec son grand sourire toujours affiché sur son visage.

     

    _ « Savez-vous où nous allons ? dans quel corps d’armée sommes-nous incorporés ?   Je n’ai pas lu mon contrat pour ne rien vous cacher, je voulais juste partir le plus vite possible. »

     

    La bonne humeur de Ed faisait tâche. Personne ne répondit. Cet singularité aurait énervé plus d’un homme. Mais pas Ed. Pour lui c’était de l’ordre de l’ordinaire que personne ne lui réponde. Au loin, le militaire serrait la main de son père. Il revint vers le chariot. Ed l’interpella à nouveau sur le lieu de leur arrivée et sur les détails de son affectation.

     

    _ « Nous allons à un campement d’entrainement non loin de là, toi tu seras affecté à l’artillerie. Ton père a échangé la promesse de nous fournir des vivres au campement contre la promesse que tu serais le plus loin possible du feu. »

     

     

     

    Ed n’en revenait pas. Il partait et son père voulait le protéger. Peut-être l’aimait-il à sa façon, en fin de compte ?

     


    8 commentaires
  • Une nouvelle d’Amérique

     

     

     

     

     

    Chapitre 1

     

     

     

             John vivait à New York avant de s’engager sous les drapeaux bleus rouges et or de l’Union. Il menait une vie honorable de cordonnier sans prétention, si ce n’est celle d’être heureux comme tout un chacun. Une prétention qu’il pouvait affirmer atteinte. John avait une femme merveilleuse, des enfants magnifiques et intelligents. Sa clientèle ne lui faisait pas défaut. « Le marché de la chaussure usée existera tant que l’homme marchera » aimait-il clamer.

     

     

     

    La vie de John était radieuse ! Jusqu’à ce jour du 12 avril 1861, alors qu’apparut le mal auteur de milliers de morts, qui jetterait les fils d’une même nation les uns contre les autres, animerait et régirait le quotidien d’un pays entier pendant environs quatre ans : « guerre ». Partout ce mot était scandé dans les rues, les gros titres en annonçaient déjà les causes « justes et charitables ». Les vraies raisons sont aujourd’hui connues et sont loin d’être aussi chevaleresques que celles propagandées à l’époque. Et John dans tout ceci ? Notre brave cordonnier ne fit pas partie des premiers volontaires, en revanche son assistant O’Neill, lui, le fut. O’Neill était d’origine africaine, il fut livré à lui-même très tôt et eut la chance d’être recueilli par une famille, celle de John. Les deux garçons ont grandi ensemble. Bien que l’esclavagisme ait été aboli dans les Etats du Nord, il n’avait pas pour autant les mêmes droits que son « frère » et ne pouvait donc pas tenir de commerce, c’est pourquoi John l'avait pris à titre d’assistant mais veillait à ce qu’il soit rémunéré de la même manière que lui. Avant qu’O’Neill ne soit envoyé sur le front, John lui offrit une paire de bottes d’un noir bleuté très rare. S’en suivit une franche accolade. Pas d’effusion de larmes. Les larmes ils en auraient besoin pour le front…

     

     

     

             Le même jour en rentrant chez lui John trouva au pas de sa porte un vieil homme en tenue militaire. Impossible pour lui de connaître son grade, aussi décida-t-il de l’appeler :

     

    _ « Monsieur ?»

     

    _ « Monsieur John Smith ? »

     

    _ « Oui ? » répliqua John

     

    _ « Au nom de l’Etat-major de l’Union des Etats du Nord des Etats Unis d’Amérique, vous êtes invité à me suivre jusqu’à Washington »

     

    John ressentit une crampe à l’estomac. Que lui voulaient toutes ces hautes instances ? Etait-il enrôlé de force ?

     

    _ « Que me veut-on ? » demanda péniblement John

     

    _ « Vos services sont requis pour l’armée »

     

    Il n’y avait pas pensé mais en effet toutes ces nouvelles recrues allaient avoir besoin de bottes à se mettre aux pieds.

     

     

     

                            

     

    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

     

     

     

     

     

    « Encore en train de lambiner à ce que je vois ? Allez ! Au travail et plus vite que ça bon à rien ! »

     

             C’était donc un jour banal qui débutait pour Ed Whyretime, 18 ans, en pleine fleur de l’âge. Son père avait tendance à le réveiller de la sorte le matin, pour forger son caractère disait-il. Pourtant Ed ne voulait en aucun cas suivre sa voie dans la plantation de coton. Il se passionnait de peinture. Tous les jours, au lieu de surveiller les esclaves comme son père le lui demandait, il se baladait dans les rues de Manassas cherchant où peindre de beaux paysages de sa Virginie adorée. Depuis qu’Ed avait ouvert les yeux le jour de son enfance, les hommes de couleurs avaient toujours été présents autour de lui. Que ce soit à la plantation, au service, aux écuries etc. Mais Ed avait également vécu avec de nombreux Quartier Maîtres. De ceux-ci, il y en eut de toutes sortes : des idiots, des brutaux, des hommes qui ne faisaient ce métier que pour avoir une tranche de lard et quelques haricots le soir dans leurs assiettes. Et puis il y eut Frank. Frank arriva à la plantation familiale lorsqu’Ed était âgé de 8 ans. De tous les hommes qu’avait côtoyé Ed c’était de loin son préféré. Frank lui apprit à se servir d’un pinceau et lui donna ainsi le goût de l’art pictural. Souvent les deux garçons s’isolaient dans la grange rouge où était stocké le foin pour les quelques bêtes de la propriété. Frank lui parlait alors de la peinture européenne, et il lui fit faire son premier tableau. Oh, pas grand-chose d’extraordinaire ! Un simple portrait de Frank. Ed n’avait jamais été aussi heureux. Etant enfant unique et ayant perdu sa mère à ses 4 ans, la compagnie de quelqu’un n’étant pas passionné par le bruit du fouet qui claque sur la peau des esclaves lui faisait du bien. Mais le bonheur ne dure jamais bien longtemps quand on a un père comme celui du jeune Ed. A 12 ans l’artiste en herbe vécut ce qu’aucun enfant ne devrait avoir à vivre. En retournant à l’heure habituelle dans la grange pour retrouver son mentor, le jeune garçon trouva son père avec un fusil, cinq esclaves et Frank. Frank se tenait entre son père et le groupe d’esclaves.

     

    _ « Non monsieur ! C’est injuste ! Ces hommes ont travaillé trois jours de suite. Ils ont bien le droit à un repas chaud ! De plus il s’agit du mien. J’en dispose comme je le veux. »

     

    _ « Comme tu le veux ? » retorqua le tyran au fusil « Mais mon idiot, ce repas, c’est moi qui en dispose comme je le veux ! Tu es sur ma propriété et je fais les règles à ma manière »

     

    _ « Monsieur ces esclaves n’en restent pas moins des hommes avec des besoins de survie ! »

     

    Le doigt sur la détente de son fusil chargé le père remarqua la présence de son fils derrière lui. Ce qui ne l’empêcha pas de se fendre d’un rire cruel qui glaça le sang de tous ceux présents dans la grange.

     

    _ « Humain dis-tu ? Tu aimes défendre ces nègres n’est-ce pas ? »

     

    Il abaissa son fusil. Regarda les esclaves et leurs dit en pointant Frank du doigt

     

    _ « Saisissez-le si vous voulez rester en vie. »

     

    Les hommes ne surent que faire. C’est alors que le père d’Ed saisit son fils et colla le canon de son fusil sur sa tempe.

     

    _ « Saisissez-le ou j’ouvre son crâne avec ma chevrotine. Frank je sais que tous les jours vous empoisonnez mon fils avec vos leçons de dessins idiots. Pour moi, mon fils est mort après avoir écouté vos balivernes ! Cela ne me fera aucun mal de me débarrasser de cette bouche à nourrir qui ne fait rien de ses journées ! »

     

    A chaque nouveau mot que disait son père, le jeune Ed sentait son cœur devenir cendre, sa salive devenir lave, ses larmes lui brulaient les joues. Son propre père le menaçait. Frank se jeta à genoux et implora la clémence du vieil homme. Il n’eut pour réponse qu’un rictus malfaisant.

     

    _ « Faites ce qu’il dit s’il vous plait » dit Frank d’un air décidé et abattu en tournant la tête vers les esclaves.

     

    Les cinq hommes s’avancèrent vers Frank, pour qui ces secondes furent d’une lenteur infinie. Une fois les hommes autour de Frank toujours à genoux, le visage tourné vers le sol et les yeux vides comme si tous les espoirs qu’il avait en l’humanité avaient disparu, le père d’Ed désigna un à un les hommes. Ils entourèrent Frank. Deux saisirent ses bras, deux autres ses jambes et le dernier sa tête. Le père d’Ed se tourna vers son fils le fusil toujours braqué sur sa tempe et lui dit :

     

    _ « Si toi aussi tu as de la compassion pour ces animaux ils se retourneront contre toi ! Si tu t’avises de détourner les yeux tu iras travailler avec eux et seras traité de la même façon. As-tu compris ? A partir d’aujourd’hui plus de dessins grotesques. Le seul outil que tu manieras sera le fouet et tu l’utiliseras sur eux comme je te l’apprendrai. Ne me désobéis pas ou je ferai de ta vie un enfer. »

     

    Il se tourna vers les cinq hommes tenant Frank, il leur intima l’ordre de tirer de toutes leurs forces. Plus les muscles des esclaves se contractaient, plus les cris de Frank sous cette douleur s’intensifiait ! Ed vit la peur et la souffrance dans les yeux de son ami. Mais il en vit davantage dans les yeux des esclaves. Pendant de longues minutes Frank hurlait et le père d’Ed souriait en faisant attention à ce que son fils observe chaque détail de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Soudainement, le cou de Frank craqua, il ne se débattait plus. Les larmes coulèrent le long des visages des esclaves ainsi que sur celles d’Ed.

     

    _ « Tu vois ce que ces animaux sont capables de faire ? » dit le père en abaissant son fusil.

     

    Ed savait que le petit garçon en lui était mort avec son ami. Les yeux pleins de larmes il acquiesça d’un mouvement de tête.

     

    _ « Bien. Maintenant sors d’ici et va surveiller les autres esclaves. Je dois punir ces nègres pour le crime qu’ils ont commis. »

     

    Ed partit en marchant lentement, le regard vide, les larmes finissant de couler sur son menton. Des coups de feu retentirent dans la propriété. Ed savait. Le regard des esclaves ne trahissait pas. Ils ressentaient une émotion qui les rendait plus humains que son propre père : l’empathie.

     

    Ed n’oubliera jamais ce moment de sa vie et en tirera les leçons.


    7 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique